Des Cités dans la cité

Des sciences, de la musique, de la mode et du design, du cinéma, de l’architecture et du patrimoine, de l’histoire et de l’immigration, les cités se multiplient dans le monde culturel parisien. Que révèle le choix de ce terme dans la dénomination de tous ces lieux inscrits déjà dans la ville ?

Du latin civitas, la cité désigne « l’ensemble des citoyens constituant une ville, une cité, un Etat ». A Paris, on a l’île de la Cité, le cœur et chœur (là où se trouve la cathédrale) de la ville. Depuis plusieurs années, le terme cité désigne aussi des lieux culturels dédiés à un domaine spécifique. De la Cité des sciences à la Villette inaugurée en 1986 à la Cité du cinéma qui devrait ouvrir ses portes à l’automne 2012, pourquoi ces lieux optent-ils pour ce terme ? Ne risque-t-on pas la saturation avec ce nom quand près de six espaces culturels parisiens l’ont déjà choisi ?
Le point commun de ces lieux culturels apparaît de suite. Ces cités se veulent être des endroits où le plus grand nombre peut se rassembler autour d’une thématique commune. Ainsi, la plupart des cités culturelles mêlent à la fois musée, école, bibliothèque, lieu de recherche, espace évènementiel. Elles sont ainsi ouvertes à tous les citoyens, tous ont le droit de cité.
Projet muséal et d’urbanisme
Au point de vue architectural, des spécificités se dessinent. Pour reprendre l’exemple de la Cité des sciences, le projet, lancé à la fin des années 1970, était vraiment de créer une ville dans la ville, un nouveau quartier pour remplacer les abattoirs et marchés à bestiaux qui animaient cette partie du nord-est de Paris. Autant un projet muséal que d’urbanisme, la Cité des sciences s’inscrit dans un parc, tente de renouer avec les quartiers environnants, de se réinscrire dans la ville. A l’instar de la Villette, le projet de Luc Besson, aux portes de Paris, à Saint-Denis, semble relever de cette double logique avec une superficie dix fois moins grande (62 000 m2). Le mot cité vient aussi ici comme une évocation des studios Cinecitta de Rome et on aurait eu du mal à les appeler les studios EuropaCorp comme les hollywoodiens Universal Studios.
Réorganiser des compétences et des lieux
L’utilisation du terme « cité » suivi de plusieurs domaines culturels revèle souvent un projet d’unification de compétences, d’éléments déjà existants. C’est le cas de la Cité de l’architecture et du patrimoine et de la Cité nationale de l’histoire et de l’immigration, toutes deux ouvertes sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Pour la première, il s’agissait de donner à l’institution du Palais de Chaillot un renouveau indispensable. Pour la seconde, il fallait arriver au bout d’un projet épineux abandonné par Mitterrand et repris par Chirac.
Mots plus justes
Et justement, plutôt que d’utiliser systématiquement ce terme de cité, des mots plus justes ne pourraient-ils pas être utilisés ? Mémorial pour la Cité nationale de l’histoire et de l’immigration, centre national ou international de la musique pour la Cité de la musique ? Les Docks en référence à l’ancienne destination du lieu pour la Cité de la mode et du design récemment inauguré ?
Synonyme d’ouverture et de multidisciplinarité pour désigner des lieux culturels, le terme « cité » semble aussi se refaire une beauté quand la cité désigne aussi la « téci », un endroit un peu morne et abandonné.
A Paris, reste que si l’on se rend à la Cité, on va soit au Palais de Justice soit, au mieux, au marché aux fleurs. Alors, en attendant que tous ces lieux trouvent des surnoms ou des acronymes, précisez bien quelle cité vous allez visiter.

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