Laure Albin Guillot : La dame de la photographie française

Du 26 février au 12 mai 2013, le Jeu de Paume consacre une exposition à la photographe Laure Albin Guillot. Entre photographe d’atelier et figure institutionnelle, la dame de la photographie française se révèle en 200 tirages.

Quelle aurait été la réaction de Laure Albin Guillot à la censure d’une de ses photographies de nu par Facebook ? On ne le saura évidemment jamais. Reste que pour cette photographe que l’on considère comme une artiste représentative du style français de l’entre-deux-guerres, la censure apparaît comme un paradoxe. Photographe indépendante, elle est aussi au service de l’Etat jusqu’en 1940 comme directrice des archives photographiques de la Direction générale des Beaux-Arts et premier conservateur de la Cinémathèque nationale.
Avec l’exposition présentée au Jeu de Paume composée majoritairement de tirages du fonds Roger-Viollet, propriété de la ville de Paris, les commissaires ont pour objectif de remettre en lumière le travail de cette femme. A première vue, l’œuvre de Laure Albin Guillot ne détonne pas. Portraits d’atelier, études de nus, les premiers accrochages révèlent une personnalité appliquée issue d’une bourgeoisie parisienne bien installée. Un esprit très classique ressort de ses clichés qui se définissent dans certaines publications comme des estampes photographiques. Le monde de la peinture laisse encore son empreinte.

Laure Albin Guillot                   Laure Albin Guillot

AlbinGuillot_          Laure Albin Guillot

Artisan d’art
Le dos de Suzy Solidor et les mains de Han Harloff  traduisent néanmoins une vision plus moderne. Les mains d’ailleurs semblent être un motif récurrent pour celle qui se considère comme un artisan d’art que ce soit pour présenter les « artisans d’aujourd’hui » de la décoration ou dans ses photographies publicitaires. Justement parlons de son travail publicitaire. C’est peut-être là que l’on trouve ses compositions les plus novatrices. Une femme tendant un verre de lait à son enfant (vers 1934), une accumulation de pommade-vaccin Salantale (1942), une femme se tenant le sein pour un laboratoire de chirurgie esthétique, la photographe expérimente et publie même un livre théorique en 1933. Deux ans plutôt, Laure Albin Guillot a aussi connu un grand succès avec Micrographie décorative, images de préparation de microscope que collectionnait son médecin de mari. Proposés en grand format sur des paravents ou en reliure, les éléments scientifiques deviennent décoratifs. Relier, illustrer, Laure Albin Guillot s’est enfin largement impliquée dans la réalisation de livres : « J’ai fait accepter la photographie dans la bibliophilie ». La dernière partie de l’exposition se concentre sur ce travail d’édition avec la présentation de La Cantate du Narcisse de Paul Valéry.
C’est sans doute dans son côté touche-à-tout et sa promotion de la photographie que Laure Albin Guillot a posé des jalons d’une photographie bientôt reconnue pour elle-même. Si l’exposition décrit une femme d’atelier, on aurait aussi aimé voir ses images d’extérieur prises aux Etats-Unis ou en Algérie. L’occasion d’une autre exposition.

Site du Jeu de Paume : http://www.jeudepaume.org/

Photos © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet
– Illustration pour le Narcisse de Paul Valéry, 1936, collection particulière, Paris.
– Suzy Solidor, vers 1930.
– Publicité pour la pommade-vaccin Salantale, Bibliothèque nationale de France.
– Micrographie, bourgeon de frêne (coupe), vers 1930, collection Société française de photographie.
– Illustration pour le Narcisse de Paul Valéry, 1936.

UA-20260842-1