Berenice Abbott : le documentaire photographique est de l’art

Encore une femme photographe exposée au Musée du Jeu de Paume à Paris. Après Lisette Model, Claude Cahun, Diane Arbus, c’est Berenice Abbott (1898-1991) qui est à l’honneur, jusqu’au 29 avril 2012, de l’institution culturelle parisienne dédiée à la photographie.

Si la rétrospective Diane Arbus a battu des records de fréquentation avec près de 215 000 visiteurs, l’exposition Berenice Abbott répartie sur un étage devrait, malgré l’ouverture en simultanée de celle du Chinois Ai Weiwei, réunir de nombreux curieux autour de la photographe américaine et de ses vues de New York. Et pour commencer l’exposition, direction… Paris où la jeune femme arrive dans les années 1920. Assistante de Man Ray, elle évolue alors dans la bohême parisienne et tire le portrait de ses protagonistes. A côté des clichés de Cocteau et James Joyce, Abbott a l’œil et le cadre avisés face au crâne lisse du marchand d’art Julien Levy, au profil presque auréolé de la dramaturge Djuna Barnes et à la pose désarticulée de Solita Solano. On ne peut pas passer à côté du portrait de Eugène Atget, première image de l’exposition. Derrière ce vieillard courbé, c’est aussi de l’histoire de Berenice Abbott et de son attachement à la photographie documentaire qui l’est question. Elle a ainsi acheté un grand nombre des archives du photographe de l’ancien Paris et n’a cessé d’en louer la qualité durant toute sa vie.
Dire que le travail d’Atget a influencé celui de Abbott semble une évidence. De retour à New York, elle vise aussi à partager les transformations de la ville. Entre souci documentaire et parti pris esthétique, elle se met à photographier la cité sous tous ses aspects. Un premier projet d’album dont quelques planches sont présentées, démontre la pertinence de son travail. C’est avec Changing New York 1935-1939 que son talent s’exprime. Autant dans les choix de sujets (la verticalité, les perspectives mais aussi les métiers, les boutiques) que dans la façon de les traiter (plongée et contre-plongée sur les buildings, détails des vitrines de boutiques, accumulation de voitures dans un parking), Abbott dessine une ville géante et moderne mais aussi multiple, décalée, parfois abandonnée.
Abbot est sortie de New York. Elle a pris quelques vacances mais toujours avec son appareil à portée de main. De sa ville fétiche à Miami, elle a, dans les années 1950, longé toute la côté Est des Etats-Unis. Entre campagne et bord de mer, les clichés montrent cette autre Amérique que l’on dit si différente de celle de la Big Apple. La dernière salle s’attarde sur les photographies scientifiques de l’artiste. Lumière, vitesse, Abbott est engagée par l’institut technologique du Massachusetts pour illustrer les principes de la physique. Curieuse, déterminée, inspirée, Abbott est une magnifique représentante du style documentaire qui, sous des aspects parfois très contrôlés, révèle des qualités artistiques d’une grande force.

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